19 novembre 2015

Sur la croupe fauve des planisphères



« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre.
— Moi, je n'ai ni désirs, ni peurs, déclara le Khan, et mes rêves sont composés soit par mon esprit soit par le hasard.
— Les villes aussi se croient l’œuvre de l'esprit ou du hasard, mais ni l'un ni l'autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d'une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu'elle apporte à l'une de tes questions. »1


— Alors, Marco Polo, demanderait Kublai Khan, que ramènes-tu de la Ville?
— Je te rapporte Icare emballé dans un papier absorbant. Je te ramène des arbres, tous débordants du vert printanier. Je porte avec moi les cris des chiens et les chants des oiseaux.
— Et de toi-même, Marco, que rapportes-tu?
— La mue d'un ver de terre, criblée de flèches, et deux mots de Cortázar comme leitmotiv: « Ahora soy ». Ahora. Soy.
— Mais alors, qui-es tu, Polo?
— Je suis partie pour trouver les questions. Je reviens pour chercher les réponses.



« Une sensation dirait-on de vide, qui nous prend un soir avec l'odeur des éléphants après la pluie et de la cendre de santal quand elle se refroidit dans les brasiers éteints ; un vertige qui fait trembler fleuves et montagnes historiées sur la croupe fauve des planisphères. »1



1. Italo Calvino, Les villes invisibles.

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